Quelques exemples de SGF


Pour terminer cette partie, nous allons présenter brièvement quelques systèmes de gestion de fichiers (SGF), dont nous avons déjà abordés certains aspects à titre d'exemple particuliers. Nous décrirons surtout la structure, sans entrer dans le détail des algorithmes utilisés par les systèmes, et qui peuvent évoluer d'une version à l'autre.

11.1. Les systèmes FAT et VFAT

VFAT est une extension de FAT dont nous avons déjà parlé. Ces SGF sont capables de gérer des partitions dont la taille est limitée à 2 Go. Cet espace est constitué de 3 parties:
  • la FAT proprement dite, éventuellement dupliquée,
  • le répertoire racine du volume,
  • les données des objets externes du volume.

11.1.1. Représentation de l'espace

L'allocation d'espace se fait par bloc de taille fixe, appelés cluster, qui est constitué d'un nombre entier de secteurs (au plus 255). Les clusters ont un numéro sur 16 bits (au plus 65 535). La FAT a un double rôle:
  • déterminer les clusters occupés, ceux qui sont libres et ceux qui sont invalides et pour lesquels il y a eu des erreurs de lecture auparavant,
  • déterminer pour chaque cluster alloué à un objet externe quel est le cluster suivant de cet objet.
L'allocation d'espace se fait bloc par bloc, par un parcours séquentiel de la FAT. Lors d'un parcours séquentiel d'un fichier logique, le système suivra la liste chaînée des clusters. Lors d'un accès aléatoire, il devra également effectuer ce parcours depuis le début de l'objet externe jusqu'au cluster recherché.

11.1.2. Les répertoires

Ce système utilise une arborescence de répertoires, la racine de cette arborescence étant située derrière la FAT. Notons que cette racine peut contenir 512 entrées, alors que les autres répertoires peuvent en contenir un nombre quelconque. Une entrée d'un répertoire contient 32 octets et est constituée comme suit:
  • Le nom du fichier sous la forme dite "8.3", c'est-à-dire, 8 caractères avant le point et 3 après. Ces noms doivent commencer par une lettre et sont insensibles à la casse (pas de différenciation entre les majuscules et les minuscules).
  • Un ensemble d'attributs précisant, entre autre, la nature de l'objet externe (fichier ou répertoire) et sa protection (écriture autorisée).
  • L'heure et la date de dernière modification de l'objet externe.
  • Le numéro du premier cluster de l'objet externe.
  • La longueur utile en octet de l'objet externe sur 32 bits.
  • De plus,10 octets sont inutilisés.
Un répertoire contient toujours deux entrées particulières: "." qui désigne le répertoire lui-même et ".." qui désigne le répertoire parent.
Notons ici une extension apportée par le système VFAT, pour permettre les noms longs. Lors de la création d'un nom de fichier, qui peut être sur 255 caractères, le système crée en fait 2 noms: l'un est le nom origine, l'autre est un alias sous la forme DOS 8.3 construit à partir du nom long. Le nom DOS occupe une entrée du répertoire, et les entrées suivantes contiennent les tranches successives de 13 caractères du nom long. Un tel nom long peut donc occuper jusqu'à 21 entrées! Comme le répertoire racine est limité à 512 entrées, ceci a pour conséquence de limiter à 24 objets externes ce répertoire si on utilise des noms de 255 caractères à ce niveau.
Notons que si le système FAT (et VFAT) a été créé par Microsoft pour le DOS, il est maintenant compatible avec un grand nombre de systèmes. Par ailleurs, on peut noter qu'il permet une assez bonne occupation de l'espace et devrait donc être réservé à de petites partitions.

11.2. Les systèmes HFS et HFS Plus de MacOS

Le système HFS Plus est une nouvelle version de SGF, introduite par Apple pour pallier certaines limites de HFS, tout en reprenant les mêmes concepts. Nous allons décrire HFS, et montrerons les évolutions. Une partition HFS (Hierarchical File System) est constituée de 6 parties:
  • Les informations de démarrage du système permettent, par exemple, de localiser le système dans la partition, ou de connaître la taille des tampons internes, etc. Cette partie contient des zéros si la partition n'est pas une partition de démarrage.
  • Le descripteur du volume. On y trouve, en particulier, le nom du volume (limité à 27 caractères), ainsi que des informations diverses sur la structure du volume.
  • La table bitmap décrivant l'état d'allocation du volume.
  • Le catalogue des fichiers et répertoires.
  • Le fichier de description des extensions.
  • Les espace des objets externes du volume.
Les objets externes (fichiers et répertoires) créés sur le volume reçoivent un numéro interne unique d'identification que nous appèlerons Num-ID. Ce numéro est défini à la création du fichier ou du répertoire.

11.2.1. La représentation de l'espace.

HFS utilise le principe de l'allocation par zone, un objet externe pouvant avoir un nombre quelconque de zones chacune étant de taille quelconque (cf. 8.2.3). La taille du quantum est un nombre entier de secteurs. Nous utiliserons le terme de bloc pour désigner les unités d'allocation. Les blocs sont numérotés sur 16 bits, limitant à 65536 le nombre de ces blocs. Ceci a deux conséquences:
  • La table bitmap évoquée ci-dessus est de taille fixe d'au plus 8 Ko.
  • La taille d'un quantum est égal au moins à la taille de la partition divisée par 65536, soit 64 Ko pour une partition de 4 Go.
Nous verrons ci-dessous que les répertoires n'ont pas d'espace qui leur soit alloué en propre. Par contre, tout fichier contient deux parties distinctes: la partie ressource et la partie données, chacune d'elles étant limitée en taille à 2 Go. Cette séparation est souvent utilisée par les applications pour isoler la partie présentation de la partie contenu. Ce qui nous importe ici est que chacune possède son propre espace alloué. Notons que, en général, la partie ressource est assez petite, mais, si elle n'est pas vide, elle occupe au moins un bloc.
Le descripteur de fichier contient la description des trois premières zones allouées à chacune des parties du fichier, chaque zone étant décrite par le numéro du premier bloc et le nombre de blocs. Si une partie a besoin de plus de trois zones, les descriptions des zones manquantes sont regroupées, par groupe de 3, dans le fichier de description des extensions vu plus haut.
Chaque entrée de ce fichier est constituée des champs suivants, les trois premiers composant la clé d'identification de l'entrée:
  • Num-ID du fichier.
  • Indicateur précisant si on a affaire à la partie ressource ou à la partie données.
  • Numéro logique à l'intérieur du fichier correspondant à la première zone. Ce numéro est en fait égal à la somme des longueurs des zones allouées qui précèdent la première du groupe.
  • Description des trois zones allouées.
Pour faciliter les accès, les entrées sont organisées en arbre B*. Nous n'entrerons pas ici dans le détail d'une telle structure, mais nous suggérons le lecteur de voir un cours de structures de données. Brièvement, la figure 11.1 donne un exemple simple d'arbre B*, où les clés sont simplement des entiers. Dans notre cas, chaque nœud occupe un secteur.
Fig. 11.1. Exemple d'arbre B* utilisé dans HFS.
Notons que si un fichier est fragmenté, et occupe plus de 3 zones, le système devra rechercher dans l'arbre le ou les groupes de 3 zones nécessaires. Cependant, les entrées correspondantes sont en fait ordonnées dans le fichier de description des extensions, puisqu'il s'agit d'un arbre B*.
Le fichier de description des extensions est également utilisé pour conserver les blocs invalides, c'est-à-dire ceux pour lesquels on a détecté une erreur permanente. Ces blocs sont affectés, comme zone d'extension, à un objet externe de Num-ID particulier qui n'est repéré par aucun répertoire. Ainsi, ces blocs sont considérés comme alloués, mais l'objet auquel ils sont alloués n'est pas accessible.

11.2.2. Les répertoires

Ce système utilise une arborescence de répertoires, mais avec une représentation originale de cette arborescence, puisque l'ensemble est également représenté dans un arbre B* unique, que nous avons appelé ci-dessus le catalogue des fichiers et répertoires. À chaque objet externe, on associe une entrée de ce catalogue qui est constituée essentiellement des champs suivants, les deux premiers composant la clé d'identification de l'entrée:
  • Num-ID de son répertoire parent.
  • Nom de l'objet externe, limité à 31 caractères quelconque à l'exception du ':', la casse n'intervenant pas dans les comparaisons.
  • Le type de l'entrée, et donc de l'objet externe, fichier ou catalogue.
  • Dates de création, modification et sauvegarde.
  • Num-ID de l'objet lui-même.
  • Descripteur de fichier dans le cas d'un fichier. En particulier, pour chacune des parties du fichier, la taille physique (allouée), sa taille logique (utile) et les descripteurs des trois premières zones allouées à cette partie.
Par ailleurs, le catalogue contient des entrées spéciales qui permettent de remonter dans l'arborescence depuis un répertoire à son parent, et que nous appellerons un lien. Une telle entrée est constituée comme suit, les deux premiers champs étant toujours la clé de l'entrée:
  • Num-ID du répertoire
  • "", ou chaîne vide.
  • Le type de l'entrée en tant que lien.
  • Num-ID de son parent.
  • Nom du répertoire lui-même.
Par ailleurs, le catalogue, en tant que arbre B*, a toutes ses entrées ordonnées par clés croissantes. Par conséquent, le lien d'un répertoire vers son parent est immédiatement suivi des entrées correspondant aux objets externes qu'il contient.

11.2.3. Cohérence du SGF

Comme dans tout système de gestion de fichier, les informations sur la structure sont très importantes et doivent être cohérentes entre elles. Ainsi, la table bitmap ne doit pas indiquer comme libre un bloc qui serait alloué à un fichier. Conformément à ce que nous avons dit en 10.2.1, lorsqu'il y a redondance d'informations, on peut distinguer les informations primaires et les informations secondaires, celles-ci ayant pour but de donner des accès efficaces. Dans le cas des informations sur l'état d'allocation des blocs, les informations primaires sont les descriptions des zones allouées, et la table bitmap constitue les informations secondaires permettant d'accélérer les recherches de blocs libres.
De même, pour pouvoir attribuer un Num-ID aux objets lors de la création, il faut connaître le dernier attribué. Cette information secondaire est mémorisée dans le descripteur du volume. L'information primaire est représentée en fait par la plus grande valeur des Num-ID existant sur le volume.
Pour garantir cette cohérence, HFS maintient un indicateur dans le descripteur de volume, qui indique que le volume n'a pas été démonté proprement. Cet indicateur est écrit sur disque lors du montage en écriture du volume, et remis à zéro lors du démontage du volume. Il permet donc de savoir lors d'un montage si une vérification de cohérence est nécessaire.

11.2.4. Le système HFS Plus

Ce système a pour but de lever les contraintes rencontrées dans HFS. Nous ne mentionnerons ici que les modifications les plus importantes pour l'usager:
  • La plus importante que nous ayons vu est la limitation du nombre de quanta d'une partition, impliquant d'avoir une taille de quantum importante pour les grosses partitions. Cette contrainte est levée en prenant 32 bits pour les numéros de blocs d'allocation. Évidemment cela a pour conséquence d'augmenter notablement la table bitmap, qui devient un fichier, permettant d'homogénéiser les accès.
  • La taille maximale de chacune des parties d'un fichier est elle aussi augmentée, puisqu'elle est portée à 263 octets.
  • Comme les blocs deviennent plus petits et peuvent conduire à une fragmentation plus importante, et donc un nombre plus grand de zones, les groupes ont été portés à 8, tant dans le descripteur de fichier que dans les entrées du fichier de description des extensions.
  • Les noms des objets ne sont plus limités à 31 caractères MacRoman (codage sur 8 bits), puisqu'un nom peut avoir maintenant 255 caractères Unicode (16 bits). Ceci a conduit à augmenter la taille des nœuds de l'arbre B* du catalogue (4 Ko par défaut), car plus ces nœuds contiennent de valeurs, plus la hauteur de l'arbre est faible.
  • Un troisième fichier de volume organisé en arbre B* a été introduit pour permettre à terme de gérer plusieurs attributs d'un fichier, mais il s'agit plus d'ouverture vers l'avenir et d'éviter ainsi d'avoir à redéfinir un nouveau SGF, car les spécifications complètes ne sont pas encore complètement définies en mars 1999. Ce fichier devrait permettre, par exemple, d'avoir plus de deux parties pour un même fichier, et de pouvoir nommer ces parties.

11.3. Le système NTFS

Ce système a été créé par Microsoft pour être le système de gestion de fichier de Windows NT. Plusieurs systèmes existaient initialement, comme VFAT ou HPFS de OS/2, mais aucun ne satisfaisait aux critères de fiabilité et de taille d'un système moderne.
En dehors du premier secteur de la partition, qui contient un ensemble minimal d'informations comme la localisation du fichier MFT dont il est question ci-dessous, ce SGF considère que "tout est fichier". Le formatage d'une partition en volume NTFS consiste donc à créer un certain nombre de fichiers qui donnent la structure du volume. Nous ne décrirons que certains de ces fichiers.
  • Le fichier des descripteurs de fichiers, appelé la Master File Table (MFT), qui commence par son propre descripteur. Il peut commencer n'importe où dans la partition, il est nécessaire de connaître cet endroit a priori, pour pouvoir accéder à son descripteur, ce qui est indiqué dans le premier secteur de la partition. Notons que ce fichier est doublé pour des raisons de sécurité, la copie étant aussi repérée par le secteur 0 de la partition.
  • Le fichier du volume, contenant en particulier le nom du volume.
  • Le fichier bitmap décrivant l'état d'allocation du volume.
  • Le répertoire racine du volume.
  • Le fichier journal qui a pour but de garantir la fiabilité de la structure.

11.3.1. Les descripteurs de fichiers

Chaque objet externe reçoit, à sa création, un numéro qui est l'indice dans la MFT où est situé son descripteur. La taille de ces descripteurs est fixée à la création du volume et est comprise entre 1 Ko et 4 Ko, ce qui est donc relativement important. Un objet externe, fichier ou répertoire, est constitué d'un certain nombre d'attributs qui peuvent être résidents, c'est-à-dire, rangés dans le descripteur de l'objet externe lui-même, ou non résident et donc à l'extérieur de la MFT dans un espace qui lui est alloué en propre. Voici quelques exemples d'attributs :
  • Le nom de l'objet externe sous forme d'une suite de au plus 255 caractères Unicode.
  • Les informations de base habituelles, comme les dates de création, modification ou d'accès.
  • Les informations de protections de l'objet.
  • Le ou les contenus des fichiers ou répertoires.
Un même objet externe peut avoir plusieurs attributs "nom", correspondant au principe des liens physiques énoncés au §9.4.3.
Si un fichier est suffisamment petit, tous ses attributs, et donc son contenu se trouvera dans le descripteur. Dans les autres cas, certains attributs (en particulier les données) seront non résidents.
NTFS utilise le principe de l'allocation par zone pour les attributs non résidents d'un objet externe , et la valeur de l'attribut est remplacée dans le descripteur par la suite des descriptions des zones allouées. Le nombre de zones est quelconque, chacune étant de taille quelconque (cf. 8.2.3). La taille du quantum est un nombre entier de secteurs, ce nombre étant une puissance de 2. Le terme de cluster désigne les unités d'allocation. Les clusters sont numérotés sur 64 bits, ce qui implique qu'il n'y a pratiquement pas de limite aux nombres de clusters d'un volume. Comme un descripteur de zone doit localiser le premier cluster de la zone et son nombre de clusters, soit 16 octets, une technique de compression est utilisée, d'une part en prenant son déplacement par rapport au premier cluster de la zone précédente, et en supprimant les octets nuls en tête de ces deux valeurs.
La longueur d'un attribut non résident est mémorisée sur 64 bits, ce qui permet donc des fichiers dont la taille n'est pratiquement limitée que par l'espace disponible sur le volume.
Notons que le contenu d'un fichier est un attribut sans nom, mais l'utilisateur peut créer des attributs nommés qui peuvent avoir des contenus séparés dans des espaces distincts. L'implantation de serveur de fichier MacIntosh sur Windows NT utilise ce principe pour séparer la partie ressource et la partie donnée (voir HFS).

11.3.2. Les Répertoires

NTFS utilise une arborescence de répertoire. Le contenu d'un répertoire est organisé en arbre B+, qui se rapprochent des arbres B* vus plus haut, si ce n'est que les données associées aux clés sont réparties dans tous les nœuds au lieu de n'être que dans les feuilles comme sur la figure 11.1. Les entrées d'un répertoire contiennent les informations suivantes, la première étant la clé:
  • Le nom de l'objet,
  • Le numéro de l'objet dans la MFT, permettant de localiser son descripteur.
  • Les dates de création, modification ou d'accès de l'objet,
  • La taille de l'objet
  • Le numéro du répertoire parent qui le contient dans la MFT.
En fait seuls les deux premiers sont effectivement nécessaires, puisque les trois derniers se trouvent dans le descripteur de l'objet. Cette duplication a un avantage et un inconvénient. L'avantage est que l'on a accès aux informations essentielles de l'objet sans devoir accéder au descripteur. L'inconvénient est inhérent à la duplication: toute modification de ces informations doit être portée à plusieurs endroits sur le disque, sous peine d'avoir des données incohérentes. Notons qu'il peut paraître surprenant de trouver dans cette entrée le numéro du répertoire qui contient l'entrée! En fait, Toutes ces informations, avec la clé, font partie l'attribut "nom de fichier", présent dans le descripteur du fichier, et en sont une copie. Or, le numéro du répertoire parent d'un fichier permet de remonter l'arborescence des fichiers et répertoires, en retrouvant ainsi le parent de chaque répertoire.
Le principe des arbres B implique que des nœuds soient créés ou supprimés au fur et à mesure des adjonctions ou suppressions. La suppression d'un nœud peut ne pas être le dernier nœud physique du répertoire, et il faut prévoir sa réutilisation ultérieure. Ceci se fait en définissant un attribut "bitmap" pour chaque répertoire qui indique quels sont les nœuds libres. S'il n'y en a plus, une allocation d'une nouvelle zone est effectuée, et la table bitmap est mise à jour pour tenir compte des nœuds libres ajoutés.

11.3.3. Compression de données

NTFS propose une technique de compression/décompression des fichiers au fur et à mesure des accès. L'idée est de découper le contenu du fichier par tranche dont la taille correspond à 16 clusters, et de tenter de compresser chaque tranche indépendamment les unes des autres. La compression n'est effective que si elle fait gagner au moins 1 cluster. Dans ce cas, les clusters gagnés ainsi sont mémorisé dans la suite des descripteurs de zones par une zone marquée non allouée dont la taille correspond au nombre de clusters gagnés. A la lecture, l'opération inverse est effectuée. Notons que la mise en œuvre de la compression/décompression sur un fichier est mémorisé dans le descripteur du fichier, l'utilisateur n'ayant pas à s'en préoccuper ensuite. Évidemment cette technique est coûteuse en temps processeur, et doit être utilisée à bon escient.

11.3.4. Sécurité par fichier journal

Les opérations mises en œuvre sur les structures de fichiers, en général, concernent plusieurs secteurs distincts répartis sur le volume. Les modifications ne peuvent toutes être portées sur le disque en une seule fois, mais doivent être effectuées en séquence. Évidemment, les systèmes tiennent compte de l'éventualité d'une panne qui empêche le déroulement complet de la séquence et entraîne une incohérence. Ceci est obtenu en définissant pour chaque opération l'ordre qui donnera le minimum de dégât en cas de panne. En particulier, il est préférable de perdre de l'espace disque plutôt que de risquer d'allouer deux fois le même bloc à deux objets différents. En fait, il est presque toujours possible de rétablir la cohérence et retrouver les blocs non alloués, mais cela peut être coûteux en temps.
Dans le cas des SGF modernes, le risque est aggravé par le fait que bien souvent les opérations sont effectuées dans des tampons en mémoire, et que l'écriture de ces tampons sur disque est effectuée plus tard, pour gagner en performance et en efficacité (principe de l'écriture paresseuse). Par exemple, une création de fichier donnera souvent lieu dans un avenir proche à une ou plusieurs allocations d'espace disque. Le report des écritures de la table bitmap peut avoir pour conséquence qu'elle ne sera écrite qu'une seule fois lorsque tout sera terminé.
La structuration d'un volume en NTFS contient un fichier particulier, dit fichier journal, qui va avoir un rôle analogue au fichier journal des systèmes de gestion de bases de données classiques, dans lequel sera mémorisée la séquence des actions effectuées sur le disque dans le but de pouvoir soit les refaire soit les défaire après une panne. Cette utilisation fait appel à la notion de transaction, qui signifie, entre autre, que l'on garantit que toutes les opérations élémentaires de la transaction sont effectuées, même en cas de panne, ou que aucune n'est faite. Expliquons brièvement le déroulement des opérations lors de la création d'un fichier avec allocation d'espace. Les opérations sont les suivantes:
  1. Initialisation d'une transaction.
  2. Création d'un descripteur du fichier dans la MFT.
  3. Création de l'entrée dans le répertoire parent,
  4. Mise à l'état non libre des bits correspondants aux clusters alloués, dans la bitmap,
  5. Clôture de la transaction.
Les opérations 2, 3 et 4 sont faites dans des tampons en mémoire, et lors de la clôture de la transaction, il est probable que ces tampons n'ont pas encore été écrits sur disque. Chacune de ces opérations donne lieu à un enregistrement dans le fichier journal qui décrit comment "refaire" et comment "défaire" l'opération correspondante. En fait ces enregistrements sont mis dans des tampons en mémoire, en vue d'une écriture ultérieure, comme pour tout fichier. Cependant le gestionnaire de ces tampons fera en sorte que les tampons du fichier journal soient écrits sur disque avant l'écriture des autres tampons. De plus, périodiquement, l'état des transactions ainsi que la liste des tampons en mémoire non encore écrits sur disque sont enregistrés dans le fichier journal. En cas de panne une analyse du fichier journal permet de savoir les transactions clôturées dont les actions n'ont pas été portées physiquement sur disque et qui doivent donc être refaites, ou les transactions non clôturées dont les actions portées physiquement sur disque doivent être défaites.

11.4. Le système ext2fs de Linux

Linux est un système d'exploitation qui s'apparente fort à Unix, tout en étant un logiciel libre. Le système de fichier initial était dérivé de celui du système Minix, lui aussi dérivé d'Unix pour l'enseignement. Le SGF de Minix étant cependant trop contraint, un nouveau système de gestion de fichier a été écrit, ext2fs.

11.4.1. La représentation de l'espace

Comme d'habitude, l'ensemble du disque est découpé en blocs dont la taille est un multiple (puissance de 2) de la taille d'un secteur. Ext2fs pratique l'allocation par bloc de taille fixe, à plusieurs niveaux (cf. 8.3.2). Les descripteurs d'objets externes sont représentés dans ce qui est appelé un inœud, qui sont regroupés dans une table, l'indice dans la table, appelé le numéro du inœud (i est là pour integer), identifiant de façon unique cet objet. Une table bitmap décrit l'état d'allocation des inœuds, et une autre décrit l'état d'allocation des blocs. Pour des raisons de performances, en particulier sur les gros disques, ces tables sont morcelées et réparties dans la partition.
Une partition est découpée en groupes de même taille, chaque groupe comportant 6 parties:
  • Le super bloc, qui contient les informations de structure du volume.
  • La liste des descripteurs de groupe, qui localise sur le disque les informations essentielles de chaque groupe (localisation des tables).
  • La table bitmap d'état d'allocation des blocs du groupe.
  • La table bitmap d'état d'allocation des inœuds du groupe.
  • La table des inœuds du groupe.
  • Les blocs de données.
Le super bloc et la liste des descripteurs de groupe sont donc répétés au début de chaque groupe, pour des raisons de fiabilité. Lors du montage, on ne lit en fait que ceux du premier groupe. Cette séparation en groupes doit plus être vue comme une répartition des données sur le disque, dans le but d'améliorer les performances. La taille d'un groupe est d'ailleurs limitée, puisque chaque table bitmap d'un groupe doit tenir dans un seul bloc. Si la taille de la partition est importante, il y aura beaucoup de groupes.
Les groupes ont pour but de rapprocher dans un espace physique proche les informations qui sont reliées entre elles. Ainsi, lors d'une allocation d'un inœud, on cherchera de préférence dans le groupe du répertoire où il est référencé; de même, lors de l'allocation d'un bloc, on cherchera d'abord le bloc qui suit le dernier alloué à l'objet, puis dans son voisinage immédiat (±32), puis dans le même groupe et enfin dans les autres groupes.
Un descripteur d'objet externe contient évidemment le type de l'objet, des informations pour sa protection, sa longueur, les dates habituelles de création, modification, accès et destruction, ainsi que les informations de localisation du contenu, qui sont semblables à celles de la figure 8.4 (la seule différence est qu'il y a en général 12 blocs directs au lieu de 10). La taille d'un objet externe est limité à 2 Go, mais la taille d'une partition peut atteindre 4 To.

11.4.2. Les répertoires

Ext2fs gère une arborescence de fichiers. Le contenu d'un répertoire étant une liste d'entrées constituées de couples <inœud, nom>, le nom étant limité à 255 caractères. Les deux premières entrées d'un répertoire sont les entrées "." et ".." habituelles. Il est possible d'avoir plusieurs noms ou chemins d'accès pour le même inœud. Ceci a pour conséquence que la suppression d'une entrée dans un répertoire n'entraîne pas obligatoirement la suppression du inœud correspondant. Celle-ci ne sera effective que s'il n'existe plus d'entrée associée à ce inœud dans aucun répertoire. En dehors de la suppression d'une entrée dans un répertoire, qui n'affecte donc que cette entrée, toutes les autres opérations effectuées par l'un des chemins aura les mêmes répercussions par l'autre.
Ce système permet aussi la création de liens symboliques (cf. 9.4.3). Dans ce cas, il s'agit de créer un objet externe (avec inœud et contenu), du type lien symbolique, et dont le contenu sera le chemin d'accès à l'objet relié. Rappelons que dans ce cas la recherche de l'objet externe relié implique la réévaluation du chemin d'accès.

11.4.3. Sécurité

Comme beaucoup de systèmes, ext2fs est basé sur l'utilisation de caches mémoire des blocs disques, l'écriture des blocs modifiés étant reportée (écriture paresseuse). Cela peut avoir pour conséquence des incohérences dans la structure du volume. L'écriture d'un bloc est effective lorsque le tampon qu'il occupait est récupéré pour un autre bloc. De plus, cette écriture est forcée automatiquement à une période régulière. Comme tous les systèmes, il est cependant recommandé de toujours l'arrêter par la commande associée. Dans ext2fs, à chaque objet externe, est attaché un indicateur qui, lorsqu'il est positionné, demande que le inœud et les blocs indirects sur disque soient synchrones avec leur contenu en mémoire, c'est-à-dire, que toute modification en mémoire soit portée immédiatement sur le disque, avant de retourner au programme d'application. Pour l'utilisateur, la fin d'exécution de l'opération signifie pour lui un état cohérent de la structure disque, en regard de son fichier.
Notons deux attributs définis par ext2fs et attachés à chaque fichier :
  • L'attribut de "secret" implique que, lors de la destruction du fichier, le contenu doive être effacé en le remplissant de données aléatoires. Cela évite que des données sensibles puissent être vues lors de la réallocation des blocs qui les contenaient.
  • L'attribut de "récupération" permet la récupération d'un fichier détruit, jusqu'à un certain point.

11.5. Structuration en couche du système

Certains systèmes permettent de manipuler, au même moment, des volumes structurés différemment. C'est assez naturel lorsque l'un des SGF est une extension de l'autre par le même concepteur, comme par exemple HFS et HFS Plus. La caractéristique de standard de fait de FAT fait que pratiquement tous les systèmes implantent ce SGF en plus de leur propre SGF propriétaire. Windows NT reconnaît et gère FAT, VFAT, HPFS (de OS/2) et NTFS. Il ne reconnaît pas HFS, mais est capable de simuler un serveur de fichier de ce type sur un réseau, en s'appuyant sur NTFS. Linux permet la manipulation de tous les SGF évoqués dans ce chapitre, au moins en lecture, si ce n'est en écriture.
La reconnaissance simultanée de plusieurs SGF est en général basé sur un découpage du logiciel en couches, en définissant les spécifications entre les couches:
  • Le système de fichier virtuel (SFV) est la vue homogène de tous les SGF réels. Il est défini en interne en terme de structures de représentations et d'opérations de manipulations de ces structures.
  • Le système de tampons mémoire qui contiennent les blocs disque (le cache).
  • Le disque abstrait est une vue homogène des tous les disques supportés par l'installation. Il définit un ensemble d'opérations d'accès disques élémentaires indépendantes des périphériques physiques eux-mêmes .
Les couches du logiciel sont les suivantes:
  • La couche haute, proche de l'application, implante les opérations d'accès nécessaires aux programmes d'applications en voyant le système de fichier avec la structure de SFV.
  • La couche intermédiaire, liée à un SGF, assure l'interface entre le SFV et les tampons mémoire. Elle assure la transformation entre les structures du SFV et du SGF particulier et implante les opérations du SFV, selon les caractéristiques du SGF, en se servant de ces tampons.
  • Le gestionnaire de cache gère les tampons mémoire et lance les opérations nécessaires vers le disque abstrait.
  • Les pilotes des disques, liés aux périphériques eux-mêmes, implantent les opérations du disque abstrait en terme d'opérations concrètes du disque.
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